L'Année Céline 2014 Agrandir l'image

L'Année Céline 2014

Revue d'actualité célinienne. Textes-Documents-Etudes-Chronique

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Le manuscrit de Voyage au bout de la nuit, dont la vente et la préemption par la BnF avaient défrayé la chronique, vient de faire l’objet d’une publication en fac-similé. Ce manuscrit présente des particularités insoupçonnées : Régis Tettamanzi montre qu’il ne s’agit pas d’un ensemble homogène, la fin étant une copie faite tardivement au verso de feuillets d’un manuscrit primitif de Casse-pipe, quelques-uns étant inédits. Il renferme également des feuilles de réemploi témoignant d’activités médicales peu connues, et du soin que Céline portait à la rédaction de ses textes pharmaceutiques, certains ici en plusieurs versions.

De Céline médecin, il est souvent question au long de ce volume, par des voies diverses qu’ouvrent des documents récemment mis à jour. Les cinq lettres à Walter Strauss, étudiées par Éric Mazet forment un bref corpus en deux parties : les trois de 1932-1933 livrent des informations peu explorées sur le travail de Céline à la S.D.N. et à Clichy : « Je ne fais plus de recherches à Clichy je me contente de pratiquer, dégoûté que je suis par l’inertie écœurante des abrutis de Genève ». Les deux de 1938, qui répondent à un appel à l’aide de son confrère allemand contraint de fuir les persécutions nazies, montrent un Céline mettant entre parenthèse sa phobie antisémite pour agir sans délai et avec détermination : « Je vais aller voir Laugier dès lundi prochain et vous écrirai aussitôt. Ce qui vous arrive est absolument affreux » – Henri Laugier étant alors directeur de cabinet du ministre de l’Éducation nationale dans le gouvernement de Front populaire.

Il faudra sans doute corriger l’image d’Épinal du médiocre praticien de banlieue, mais aussi l’aspect caricatural du bestiaire folklorique, Bébert dans sa sacoche, la meute des chiens de Meudon, le perroquet et la dédicace « Aux animaux » : l’amour des animaux s’exprime chez Céline bien plus tôt. En témoigne une lettre superbe que publia Pierre Wolff en 1935 dans Paris-Soir, Céline intervenant au cours d’une virulente campagne contre la vivisection. Ici encore, on croise la médecine et ses limites : « La vivisection est le petit miroir de poche de l’âme humaine. Toute la pourriture des sales instincts de notre race, tout l’incroyable sadisme de notre constitution intime s’épanche, reluit là, librement, dans l’impunité, le secret, la sale tartuferie des laboratoires. »

J.P.L.