Boujut, Pierre – Célébration de la barrique

Les vestiges d’un passé de tonnellerie sont nombreux dans les bâtiments qui ferment la cour : après la porte vitrée à clochette qui ouvre sur l’un des vastes chais, pour aller au bureau de la Tour de Feu, on trouve en entrant à gauche plusieurs outils, des cercles de fer et un banc de tonnelier, avec quelques douelles, dont il y a vingt ans Pierre Boujut conservait encore de grandes quantités, rangées selon la règle du séchage, dans sa cour, constructions qui lui donnaient des proportions qu’elle n’a plus aujourd’hui. Il m’avait expliqué la technique du banc. Sur le mur en hauteur, à côté d’étagères à livres, une banderolle de pur esprit compagnonnique.
Plusieurs se sont moqués des prétentions à l’artisanat manifestées par Pierre Boujut – à juste titre si on s’en tient aux faits : il n’a jamais construit beaucoup de barriques, ce qu’il admettait volontiers, et sa petite entreprise de tonnellerie n’a pas duré bien longtemps. Cependant, je l’ai connu toujours très attaché aux souvenirs personnels qu’il avait de cette activité, et à la tonnellerie elle-même. Il m’a emmené chez quelques compagnons tonneliers survivant dans les années 1970, comme il m’a incité à visiter une entreprise industrielle destinée à les remplacer. Il a vendu lui-même pendant assez longtemps des barriques qu’il faisait façonner, ayant fourni les matériaux, et allait les livrer sur sa drôle de charrette à des viticulteurs aux alentours de Jarnac. Enfin, il a conservé dans une petite pièce isolée, éclairée par une porte et une fenêtre donnant derrière le puits de la propriété, et qu’il appelait son musée, côte à côte, tous les outils du métier dont il est question dans ce livre, et toutes les plaquettes de poésie qu’il a reçues au long de son activité littéraire. La réédition de Célébration de la barrique voudrait perpétuer ce double souvenir, et à travers lui celui de Pierre Boujut lui-même.