Sartorius, Francis – Tirs croisés. La Petite presse bruxelloise des années 1860

Le prodigieux développement de la presse qui s’amorce durant les années 1840 prend, deux décennies plus tard, son véritable essor. En Belgique, au-delà des raisons qui expliquent le phénomène (liberté de la presse, amélioration des techniques d’impression, demande accrue d’information dans la classe bourgeoise…) s’ajoute l’âpre lutte entre catholiques et libéraux : chaque camp cherche à disposer d’organes de presse en mesure de soutenir ses idées. Tel est le rôle des quotidiens dits de « grands formats », qui s’affrontent sur les questions sociales du temps, sans grande audace ni réel désir de réformer. En marge, une petite presse impertinente se développe, dont les « tirs croisés » fusent en tout sens. Les animateurs de ces feuilles, souvent éphémères, étaient pour la plupart, selon l’expression de Vallès, des « irréguliers » de la plume. S’appuyant sur des sources nombreuses, dont beaucoup étaient inédites, l’auteur fait revivre les activités de ce milieu cosmopolite où l’on trouve pêle-mêle des personnages issus d’horizons différents : proscrits du second Empire, agents secrets de Napoléon III ou de la Russie tsariste, réformateurs sociaux, littérateurs sans audience, hommes de théâtre, chansonniers, imprimeurs, feuilletonistes, pionniers de la Libre-Pensée, mais aussi passeurs frontaliers de littérature prohibée, maîtres chanteurs professionnels, rédacteurs de feuilles bonapartistes chassés de France par la révolution du 4 septembre 1870, ou encore futurs combattants de la Commune… Le kaléidoscope produit par ce foisonnement, plein de richesses et d’étrangetés, ne peut que séduire le lecteur d’aujourd’hui.